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"J'ai marché au fond de la mer […] Marcher au fond de la mer. En Bretagne, c'est possible. Un matin d'équinoxe à marée haute, gagnez le sillon de Talbert, sur la commune de Pleubian, entre Paimpol et Tréguier. Talberv, en breton, c'est " le sillon qui fait front " : une langue de sable et de galets qui s'aventure jusqu'à trois kilomètres au milieu des eaux. Le coefficient de ce jour atteindra bien 113, peut-être 115, et le grand torrent sera sans égal. Vous vous mettez en route à l'instant où la mer décroît, et vous avancez avec elle. Au début, c'est un sentier ponctué de goémon qui sèche. […] Vous avancez toujours et c'est comme dans Les Dix Commandements, lorsque Charlton Heston étend le bras et que la mer Rouge se fend, s'efface. Le sentier s'est mué en chemin sableux, le chemin en môle de pierres. La mer vous abandonne, vous fuit. Au bout de trois heures, vous êtes l'hôte d'un paysage minéral. Vous êtes au fond de la mer." Hervé Hamon, Besoin de mer (1997)
Tout est parti de là. Ou presque. Depuis quelques années, je m'échappe en Bretagne, entre l'Ille-et-Vilaine et le Finistère. Un rendez-vous tacite avec la mer et rien qu'elle, juste quelques jours, parenthèse éphémère, et repartir… Ces quelques lignes (et même le livre tout entier !) ont révélé ce qui me fascinait déjà inconsciemment. Je marche au fond de la mer. Mes premiers clichés sont donc le fruit du hasard : des formes, des sinuosités, des reflets qui prenaient une dimension esthétique, mystérieuse, sans que je n'en recherche l'effet. Ces déambulations à marée basse sont alors devenues l'occasion d'une véritable recherche graphique, une recherche où la curiosité est mêlée à l'amusement à l'idée de surprendre les facettes secrètes de ce monde caché par la mer. La lumière est précieuse, et j'aime lorsque, complice des couleurs, elle crée l'ambiguïté. L'imaginaire s'installe et une autre image se révèle. Le sable gorgé de mer est le théâtre de multiples illusions et se joue de nous, envoûtés, charmés… Il m'arrive de passer des heures le nez en bas, à avancer, pas à pas, à rechercher les rythmes, les courbes, mais aussi la poésie et l'insolite. Ce site est une invitation. Invitation au voyage. Invitation à la rêverie. Une invitation à mettre de côté tous référentiels. Mélanie Jégou
Merci à Nicolas, soleil de nos échappées bretonnes, et de tous les autres jours de l'année. |
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